C’est une malheureuse nouvelle à triple titre que rapporte la British Pakistani Christian Association (BPCA) ce 16 septembre, le viol et l’assassinat d’un garçon chrétien de 14 ans en visite chez son oncle au Pakistan, retrouvé dans un arbre, et l’enquête policière concluant à la mort naturelle de l’adolescent. Et encore un sujet de tristesse, car les cas de viols d’enfants et adolescents chrétiens sont nombreux au Pakistan, souvent avec la passivité complice de la police.
Zeeshan Masih était en visite à la ferme de son oncle près de Faisalabad, quand il est sorti le 23 août dernier pour acheter une boisson sucrée. L’adolescent n’est pas rentré chez son parent et a été retrouvé suspendu par les branches d’un arbre - dans lequel on peut supposer que ses agresseurs l’ont violé à l’abri des regards -, non loin de l’endroit où paissaient paisiblement les buffles de son oncle. Si les preuves médicales de l’abus sexuel sont évidentes et que des témoins assurent que deux musulmans sont impliqués, la police a tout d’abord conclu à la mort naturelle du garçon.
Le vice-commissaire de la police de Sadar, Saleem Warraich, a déclaré que Zeeshan était décédé suite à une attaque cardiaque causée par l’absorption d’une boisson sucrée après avoir mangé un fruit. Il aura fallu des pressions de la British Pakistani Christian Association, de la communauté locale des Assemblées internationales du Christ et de l’évêque Farhad Batthi du Pakistan Christian Post pour que la police accepte de consigner un premier rapport d’incident. Le rapport sera enregistré après la réception des analyses d’ADN devant parvenir après un mois.
Les premiers résultats officiels de l’enquête sont dans la veine de l’indifférence plus ou moins prononcée des autorités envers les minorités religieuses (chrétiens, hindous, chiites, ahmadis – des musulmans traités en hérétiques car ils considèrent que Mahomet n’est pas le dernier prophète) victimes de toutes sortes d’abus au Pakistan. Des milliers d’enfants des minorités sont enlevés, violés dans le pays, la police néglige souvent les requêtes des familles.
Non seulement les enfants sont violés, les filles mariées de force avec des musulmans et obligées d’épouser l’islam, mais encore ils peuvent être utilisés pour leurs organes, même vitaux, vendus sur le marché noir – le pays en est l’un des principaux pourvoyeurs en dépit d’une loi de 2010 tentant de mettre fin au trafic. La British Pakistani Christian Association a d’ailleurs lancé une pétition pour demander aux autorités pakistanaises d’enquêter sur ces rapts d’enfants (voir ici : petitionbuzz). Les conclusions quant au meurtre de Zeeshan témoignent d’un profond mépris pour les chrétiens et un sentiment d’impunité de la police qui peut prétendre contre l’évidence la plus manifeste qu’un meurtre précédé d’un viol avec abandon du corps dans un arbre est un cas de décès naturel, même si certaines bonnes volontés font preuve de déontologie.
La prévarication ouverte de la police
En juillet dernier, un inspecteur général deux étoiles de la police du Punjab a transmis un rapport à la Cour suprême du Pakistan révélant que 1 808 enfants avaient été ravis depuis 2015 et que, parmi eux, 1 715 avaient été retrouvés. Sur les six dernières années, ce sont officiellement 6 793 enfants qui ont disparu et 6 654 que l’on a retrouvés. Cependant, tandis qu’un rapport de « Movement of Solidarity and Peace in Pakistan » de 2014 affirmait que 100 à 700 mineures chrétiennes sont enlevées chaque année, Wilson Chowdhry, le président de la BPCA, rapporte que dans le cas des chrétiens, la police ignore de nombreuses demandes, et que l’association est en contact avec une vingtaine de familles abandonnées par les autorités. Les familles chrétiennes qui sont assez riches doivent payer pour que la police fasse son travail.
Un inspecteur général de la police de Lahore affirme que les enfants disparus ont simplement, pour la plupart, décidé de partir de chez eux. Plus encore, Mehwish Bhatti, une militante pour les droits de l’homme, accuse la police de produire de faux certificats de naissance prêtant l’âge nubile à des chrétiennes trop jeunes pour se marier et qui y sont forcées. Les chrétiens représentant 1,5% à 2,5% de la population pakistanaise, il y a une évidente surreprésentation des enfants de cette religion parmi les victimes d’enlèvements pour être violés dans ou hors du mariage, ou assassinés pour leurs organes. Cette inertie de la police concerne même les crimes sans mariages forcés, et il arrive que la police ajoute elle-même aux crimes par des abus sexuels.
Dans la logique de la prétendue enquête concernant la mort de Zeeshan, en 2010 la police avait par exemple refusé d’admettre le viol d’une infirmière abusée et défenestrée par un médecin. En 2013, dans le but de contraindre un chrétien dont la fille avait subi un viol de retirer sa plainte, la police avait arrêté son neveu en l’accusant d’agression sexuelle et en proposant un échange : la libération du neveu contre le retrait de la plainte.
A Essa Nagri, un faubourg de Karachi, des raids sont menés par des violeurs d’enfants chrétiens sans que la police, alertée, n’agisse ; les petites victimes sont torturées dans des cellules si les parents ne peuvent payer la rançon demandée, certaines filles sont obligées de se prostituer devant leur église, et les agresseurs poussent le vice jusqu’à imposer à ces chrétiens l’impôt islamique. Et au-delà de sa complicité passive, la police peut elle même prendre part aux agressions sexuelles, ainsi celle commise par des agents des forces de l’ordre, devant ses enfants, sur une mère de famille chrétienne venue déposer plainte après que son mari fut brûlé vif par son employeur pour avoir refusé d’abjurer sa foi chrétienne. Grâce au travail d’un journaliste, des sanctions avaient été prises contre les policiers.
Dans un contexte où la police ne se sent pas menacée pour son parti pris, elle a tendance à estimer que ce qu’elle considère comme légitime doit rester impuni, tout comme l’impunité renforce le sentiment de légitimité. Jusqu’à affirmer en dépit des preuves qu’un garçon chrétien violé et martyrisé est mort d’un malaise lié à ce qu’il a consommé.
Hans-Søren Dag
Crédit photo : British Pakistani Christian Association